NASTASIA MICHAELS Publié le 15/04/2023 à 16h00
Les poissons dits “corallivores” – se nourrissant de corail – étaient considérés sous certaines conditions comme potentiellement nocifs pour les coraux. Mais de nouvelles recherches suggèrent que leurs excréments pourraient au contraire préserver la santé des récifs coralliens.
Qu’ont en commun le poisson-globe, le poisson-perroquet et le poisson-papillon ? Outre leur nom évocateur, ces animaux marins partagent le même régime alimentaire. Se nourrissant du corail – un animal qui édifie des squelettes calcaires formant les récifs coralliens –, ils sont tous qualifiés de “corallivores”. De là à dire que leur présence est nocive à l’écosystème ? Que nenni !
Certes, la présence des poissons corallivores à de fortes densités de populations était supposée fragiliser les récifs. Mais une étude publiée dans la revue Frontiers in Marine Science suggère qu’en consommant des fragments de corail à un endroit du récif, puis en allant répandre leurs excréments dans d’autres zones, ces poissons contribueraient à un cycle redistribuant les “bonnes bactéries” et d’autres microbes bénéfiques, appelés “probiotiques”. Et aidant ainsi le corail à prospérer.
A l’inverse, les poissons herbivores et détritivores se nourrissant respectivement d’algues et de détritus – dont on pensait qu’ils amélioraient la santé des récifs en les “nettoyant” – rejetteraient dans leurs fèces davantage de bactéries pathogènes, à l’origine de lésions mortelles sur les coraux, conclut l’étude réalisée par des scientifiques de l’université de Rice (Texas, Etats-Unis)
Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs ont mené des expériences en laboratoire. Ils ont versé des excréments de différents poissons dans l’eau. Ces fèces étaient soit fraîches, soit stérilisées par la chaleur afin de tuer tous les microbes qu’elles contenaient.
Résultat : les fèces fraîches des herbivores et des détritivores ont provoqué des lésions plus fréquentes sur les coraux, et ces lésions étaient 4,2 fois plus grandes que celles causées par des fèces stérilisées – prouvant un effet lié spécifiquement à la présence de bactéries. En revanche, les fèces fraîches de corallivores n’ont pas causé de lésions plus fréquentes ou plus grandes que leurs fèces stérilisées. De plus, par rapport aux matières fécales des herbivores et détritivores, celles de certains corallivores contenaient des abondances relatives de bactéries “mutualistes” du corail (bénéfiques) environ deux fois plus élevées et des abondances plus faibles de l’agent pathogène du corail Vibrio coralliilyticus.
Si les chercheurs ont vérifié que les résultats de ces tests pouvaient s’appliquer à d’autres poissons qui se nourrissent de corail, d’algues et de détritus, des travaux supplémentaires devront néanmoins être menés dans des conditions naturelles, car des facteurs tels que la houle et la présence d’autres animaux marins sont susceptibles d’influencer les résultats. “D’autres recherches doivent être menées pour tester la manière dont les fèces de poissons affectent les coraux, afin de voir comment nous pourrions utiliser ces fèces dans les efforts de gestion visant à préserver la santé des récifs coralliens”, estime le Dr Carsten Grupstra, principal auteur de l’étude, cité par le Guardian.
NASTASIA MICHAELS Publié le 15/04/2023 à 16h00
Source: Le Magazine GEO